ÇA NE PEUT ÊTRE QU’UN FAUX-ENCHANTEUR.

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     Quand tu veux écrire le papier le plus facile, qui vient à toi sans effort, quand tu veux juste écrire pour écrire, tu te dis entre deux hésitations :   » Ces Marocains-là! »

      Dans sa rubrique intitulée ‘’Entre amis’’ un journal en ligne, – dont le nom vous donne le vertige tellement il tourne en rond,- a publié récemment une chronique qui commençait ainsi : « Quand tu veux la réponse la plus facile, qui vient à toi sans effort, quand tu veux juste retourner à ton sommeil, tu dis entre deux bâillements: c’est Israël. »

     L’auteur de la chronique abordait ainsi la nouvelle des attentats de Sinaî en Egypte, lesquels ont fait – nous le savons tous maintenant,- plus de 300 morts dont beaucoup d’enfants. Ce carnage, l’un des plus horribles n’a pas laissé indifférents les Marocains, toutes catégories sociales confondues.  Cependant, en lisant avec attention la chronique, on s’aperçoit, dès le départ, que le chroniqueur ne se prête guère à une quelconque analyse de cette catastrophe qui n’est pas qu’humanitaire, mais aussi diplomatique et ethnique. En effet, le journaliste commence par nous tutoyer comme si nous étions ses amis, avant de nous taxer de paresseux, de dormeurs et de gens aux jugements faciles, chose que les lecteurs n’apprécieront point de la part de quelqu’un qui est appelé, de par son statut, à être plus sérieux en écrivant sur un drame pareil. Puis, il nous raconta une histoire assez mal scénarisée d’ailleurs, dans le but de nous dire ce qu’il pense de ce que disent certains de ses compatriotes. Voici le résumé de son récit : la scène se passe chez un coiffeur où le journaliste attendait son tour. On évoque les attentats de Sinaï. Le coiffeur qui savait qu’il y avait chez lui un professionnel de l’information provoqua une discussion : «Tout de même, vous les journalistes, les intellectuels, vous qui lisez et voyagez, vous qui écrivez, qui réfléchissez, vous ne savez rien?». La question du coiffeur était claire. Elle interpellait l’avis du  journaliste sur le carnage de Sinaï, une sollicitation adressée à un journaliste chez qui on attendrait de trouver les premiers éléments d’analyse, tellement il a l’habitude d’observer, de commenter et d’analyser les faits. Mais la réponse, assez argumentée de surcroît, ne vint pas du journaliste mais d’un autre client, un vieux, présent lui aussi dans la boutique du coiffeur. Pour ce vieux, nous rapporte le chroniqueur, il ne fallait pas chercher loin, c’était Israël l’auteur de l’attentat :«Mais ouvrez les yeux, tous les morts sont musulmans, donc ça ne peut être qu’Israël. C’est une évidence!», se pressa-t-il d’affirmer. Fin du résumé de l’histoire.

       Ainsi pris au dépourvu devant une telle conviction, le journaliste resta sans âme, incapable d’opposer le moindre argument à ses interlocuteurs. Car, à défaut de pouvoir discuter sérieusement avec son coiffeur et son autre client, notre chroniqueur se mit dans sa tête de rentrer chez lui, après s’être bien fait raser le visage, et de rédiger une chronique, un gagne-pain quotidien sans doute, où il ne se priverait pas de dénigrer d’abord, le coiffeur et son client (le vieux)  et, à travers ces derniers tous « ses amis » les lecteurs marocains.  Alors le chroniqueur, – devenu brusquement le maître d’école et nous, les lecteurs, les petits écoliers ignorants et naïfs – laissa tomber son récit pour se prêter au jeu du donneur de leçons.

        Pour ce journaliste, qui apparemment venait d’apprendre la nouvelle des attentats de Sinaï chez le coiffeur, le point de vue du client, le vieux, était une pure idiotie, la preuve de notre animosité éternelle à l’encontre d’Israël, une très grave attitude propre aux Marocains. Avec la manière dont il a traité les propos de son interlocuteur, le chroniqueur a fait montre d’une légèreté grave et surtout d’un manque de respect à l’égard de ses lecteurs. En plus de son attitude accusatrice, notre chroniqueur ne s’est pas contenté de dénigrer, loin de là, il s’est établi en tant qu’avocat du diable, oubliant qu’Israël est le dernier pays qu’on puisse défendre vu le nombre de ses exactions et ses de crimes. Mettant de côté les règles et les méthodes de travail d’un journaliste, et refusant le point de vue d’un citoyen, qui plus est, a fait preuve d’une observation intelligente des faits relatifs au massacre de Sinaï, le chroniqueur a porté atteinte à sa profession, d’un côté, et a commis, de l’autre, l’erreur d’ignorer la longue et lourde histoire des conflits relatifs à cette  région du monde.

     En écrivant ce texte, mon but n’était pas de poursuivre une discussion inachevée. Je voulais juste partager mon inquiétude et ma surprise à l’égard d’une attitude pour le moins bizarre, de la part d’un chroniqueur présenté par le journal pour lequel il travaille, comme étant un journaliste « qui a un regard aiguisé sur le monde, … une griffe unique. » J’ajouterais, au passage, que certains commentaires postés par des lecteurs dudit journal, étaient plus sérieux que la chronique elle-même.

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